Ah, l’histoire vieille comme le monde ! Comme quoi, même les jardiniers, ces marlous de la terre, peuvent parfois faire des boulettes… Afin de vous raconter cette fable empreinte de verdure, il faudrait que je vous présente notre héros, le jardinier prénommé Francis. Un loustic plein de ressort mais qui, cette fois-ci, a un brin surpassé lui-même. Un drôle de zozio avec le melon rempli d’écorces et de feuilles plutôt que de cervelle de piaf.
Un plantage désastreux
Un beau matin, Francis, qu’on appelait le Roi des binettes, se met en tête de planter des topinambours dans son jardin. Mais notre joufflue légumière ne prend pas les choses comme il faut pour ce genre de travaux d’intérieur. Il plante ces légumes à contre-sens ! À la verticale, mon p’tit ! Comme un bloc dans un trou ! Nan, on aurait dit qu’il avait une lune à la place des yeux !
Les topinambours, ces brave-tout du potager, n’en revenaient pas. Ils sentaient bien que quelque chose clochait. Ils étaient à l’envers, la tête en bas, les pieds en l’air. Comme des loden sur le zinc d’un bistrot ! Ils essayaient de crier « Eh, Francis, t’as omis le chapitre d’installation ! » Mais sans bouche, hein, parlons-en.
Et figurez-vous, c’est dans les recoins les plus biscornus du jardin que notre Francis a planté ses topinambours. Non, mais vous l’auriez vu à l’œuvre, on aurait dit un moineau en plein ballet aquatique.
Ca rouscaille dans le bac à salade !
Le cerisier en a pleuré ses feuilles, à voir ces binious plantés n’importe comment ! Lui qui avait toujours été si fier de son verger, voilà que l’arrivée de ces topinambours mal fagotés l’avait tout retourné.
Le vieux compost, ce marlou de chaleur et de bêche, a protesté de tout son humus.
, semblait-il dire à travers son odeur chancrelle.
Mais Francis, ce gaillocheur de nature, n’avait cure des plaintes du compost, ni des larmes du cerisier, ni même de la confusion des topinambours. Il finit par dire, mine de rien, « mes pauvres loulous, j’vous mettrai à l’horizon à la prochaine. Maintenant, laissez-moi boire ma poire tranquille. »
Toute cette commotion a donné des maux de feuilles au jardin. Les fleurs n’ont plus osé rire, les abeilles n’ont plus osé bourdonner. Tout est resté statique pendant quelques minutes. La nature, enfin, réussit à reprendre son rythme et le jardin réapprenait à respirer.
La rédemption salvatrice
Quelques jours après, Francis, toujours un brin bourru mais avec un palpitant grand comme ça, prit enfin son courage à deux mains et décida de venir en aide aux topinambours. Ces pauvres légumes, malmenés par le destin, semblaient désorientés, comme s’ils avaient besoin d’un coup de pouce pour retrouver le bon chemin.
Avec sa pelle en main et son vieux chapeau vissé sur la tête, le jardinier se mit à parler doucement aux topinambours, comme s’il s’agissait de ses vieux amis. « Allez les gars, on va s’en sortir ensemble. On va prendre le temps qu’il faut pour vous remettre sur pied, ou sur racine devrais-je dire ! »
Les topinambours, touchés par cette attention inattendue, semblaient redresser un peu la tête, comme pour remercier Francis de sa bonté. Et c’est avec une certaine émotion que le jardinier replanta chaque topinambour avec précaution, veillant à ce qu’ils se sentent bien dans leur nouvel environnement.
Une fois le travail accompli, le jardinier s’assit à l’ombre d’un arbre et murmura : « Voilà mes amis, maintenant c’est à vous de jouer. Prenez soin de vous et n’oubliez pas que vous avez un ami prêt à vous aider en cas de besoin. »