Ce matin-là, un mélodrame de premier ordre s’était joué dans le potager à Francis. La moutarde, hier majestueuse et fière, gisait ce jour, dandinée par les bourrasques et lessivée par la lansquine. Elle toisait auparavant le jardin avec un chic qui ne laissait personne indifférent, se dressant avec préséance parmi le reste de la cambuse végétale. C’était la protectrice de sa frangine la courgette, fraîchement débarquée dans l’arène, et du petit panier de fraises logé dans l’orme du coin, leur offrant un coin de pénombre généreux.

La ménagerie à six pattes du jardin était toute retournée. Les fourmis, toujours le nez dans le guidon sur les tiges des légumes, semblaient contrariées de cet environnement endeuillé. Les z’abeilles, d’habitude en plein labeur pour le nectar, semblaient déboussolées face à ce spectacle affligeant. Même les coccinelles, d’ordinaire guillerettes et débordantes de vie, semblaient secouées par le désastre de la moutarde.

La courgette, la fraise et l’orme étaient tout peinés d’observer leur copine dans cet état. Ils se rappelaient de sa belle voix qui riait dans le vent, de sa présence rassurante et gardienne. Maintenant, elle était là, tordue par la fureur des éléments, qui n’avaient fait qu’une bouchée d’elle.

Francis matait le spectacle avec un brin de cafard. Il avait toujours vu la moutarde comme un roc de Gibraltar dans son carré de nature. Et voilà qu’elle faisait tapis, lessivée par les aléas de la météo.

Mais dans ce décor sinistre, un chouïa d’espoir brillait encore tout doucement. Car Francis, il savait que la moutarde n’était pas mise KO pour de bon. Avec du temps et des soins aux petits oignons, elle se relèverait, prête à rempiler dans son jardin, son home sweet home.

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Albert
Observateur sans compromis du jardin. S'amuse à compter les aventures de notre ami Francis dans son bac à salade.