Un jardin pas comme les autres

Dans le patelin de Montrichard, si vous dégourdissez les guibolles dans ses venelles caillouteuses, peut-être que vous tomberiez sur le lopin de Francis, un bout de terre aussi pimpant qu’un jardin de Versailles. Or, ce Francis, un brocanteur recyclé en jardinier du dimanche, s’était mué en cerbère de ce domaine photosynthétique avec une précision de pendule suisse.

Une matinée sous le signe du combat

Ce matin-là, une bruine maligne caressait doucement les pousses timides, un brin de poison pour la scène presque carte postale qui se jouait dans le secteur des carottes. Au tréfonds du potager de Francis, une escouade ordonnée de carottes avait lâché la rampe face à une offensive de liserons. Ces voyous des sentiers battus s’étaient incrustés sans prévenir, nouant leurs vrilles avec l’innocence des jeunes carottes.

Francis ravivait sa pipe sempiternelle et scrutait le désordre comme un qui vient de se faire visiter par les pieds nickelés. Il paraît que les liserons avaient orchestré un coup tordu, bien camouflé sous le feuillage, squattant chaque parcelle de terre comme de véritables brigands des bois.

Duel au jardin

« Espèce de mafia racinaire…, » grognait-il en agitant son binette comme un shérif qui flaire le duel.

Les carottes, jeunes et frêles, semblaient implorer Francis d’un regard désolé. Dans ce jardin, chaque plante jouait sa partition, mais les liserons, ces filous en herbe, n’en avaient cure des lois du potager.

Avec la minutie d’un joaillier, Francis lançait l’offensive. Il extirpait les liserons avec une précision de scalpel, libérant ses protégées d’une emprise étouffante. Ces coquins obstinés savaient entortiller leurs racines avec une telle finesse que même Houdini en aurait tiré son chapeau.

À quelques pas de là, les tomates mataient le show, rougissant pas tant du soleil que des prouesses de leur camarade humain. Les laitues, quant à elles, tremblaient à chaque coup de binette, tiraillées entre la crainte d’être touchées et l’espoir de voir les vauriens délogés.

Épuisement et victoire

Après un combat de titan qui semblait durer une éternité mais n’était que l’affaire d’une matinée, Francis s’affalait, vanné, sur le banc de chêne vieilli, contemplant son carré de carottes désormais délivré des serres des envahisseurs. « Bataille gagnée… mais la guerre perdure, » soufflait-il en s’épongeant le front ruisselant.

La lutte continue

Cette saga quotidienne entre un jardinier acharné et la nature effrontée se perpétue jour après jour. Dans le jardin de Francis, point de trêve ni de pause. Une chose est sûre : à chaque nouveau jour, Francis, le fier sentinelle du vert, est là, prêt à défendre ses protégés verdoyants contre toute invasion, armé de sa binette et de sa pipe, symboles de sa résistance végétale.

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Albert
Observateur sans compromis du jardin. S'amuse à compter les aventures de notre ami Francis dans son bac à salade.